TERRORISME en France.

TERRORISME Selon un haut responsable policier, ces jeunes parisiens ont été endoctrinés par un vétéran de l'Afghanistan
Quatre recruteurs du djihad en Irak interpellés

Jean Chichizola (Le Figaro)
[26 janvier 2005]

Des rues du XIXe arrondissement de Paris à l'enfer de Faludja : les policiers de la Direction de la surveillance du territoire (DST) ont procédé lundi à Paris et dans le Val-de-Marne aux premières interpellations dans le cadre de l'enquête sur les filières islamistes irakiennes. Trois jeunes islamistes ont été arrêtés avec leurs proches à leur domicile parisien et le quatrième à l'aéroport d'Orly. De retour d'un pèlerinage à La Mecque, ce dernier était en transit pour la Syrie où il résidait ces derniers mois. Ne cachant pas sa satisfaction devant la neutralisation de cette cellule islamiste, un haut responsable du ministère de l'Intérieur confiait hier au Figaro que cette opération «allait enfin permettre de mieux comprendre comment de jeunes Parisiens de 19 ans allaient se sacrifier en Irak».


Le groupe auquel appartiennent les suspects interpellés rassemblerait des musulmans radicaux d'origine tunisienne, subsahélienne et même plusieurs convertis. Les enquêteurs ont agi sur commission rogatoire du juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, saisi de l'information judiciaire ouverte le 20 septembre 2004 par le parquet de Paris. Placés en garde à vue dans les locaux de la DST, les suspects font partie d'une structure qui recrutait de jeunes fidèles de la mosquée Adda'wa (Prédication), située rue de Tanger dans le XIXe arrondissement de Paris. Les perquisitions réalisées lundi ont notamment permis de découvrir de la documentation islamiste.


Ce premier coup de filet est à la fois le fruit de la surveillance des milieux islamistes radicaux, dont le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, avait demandé le renforcement au lendemain des attentats de Madrid du printemps 2004, et du travail sur les filières qui envoient des volontaires en Irak.


Ces derniers mois, le XIXe arrondissement se trouvait au coeur de l'enquête sur de jeunes islamistes parisiens repérés dès 2003 et qui ont gagné l'Irak l'an dernier. Liés aux individus interpellés lundi par la DST, quatre d'entre eux sont morts en Irak depuis le mois de juillet 2004 : Redouane el-Hakim, le 17 juillet (nos éditions du 22 octobre), Tarek Ouinis et un certain Karim alias Abou Salman, le 17 septembre, et enfin Abdelhalim Badjoudj, le 20 octobre. Tous avaient été recrutés alors qu'ils fréquentaient la mosquée Adda'wa. Ils étaient partis pour Damas en 2004, officiellement pour y prendre des cours d'arabe et y parfaire leur connaissance du Coran au sein de l'institut al-Fateh al-Islami, jugé proche des radicaux, avant de passer en Irak. Le frère de Redouane el-Hakim, Boubaker, 21 ans, déjà connu des services de renseignements et présenté comme le plus engagé du groupe, est aujourd'hui détenu en Syrie après avoir été arrêté en août à la frontière irakienne.


Selon le ministère de l'Intérieur, une dizaine de Français ont ainsi gagné l'Irak via la Syrie. Pour les policiers et les magistrats antiterroristes, il s'agirait pour le moment d'initiatives isolées plus que d'une véritable organisation calquée sur les filières «afghanes», «bosniaques» ou «caucasiennes» observées depuis 1995. Au fil des mois, le mouvement prend toutefois de l'ampleur.


Depuis 2003, les polices européennes, en particulier allemande et italienne, ont démantelé des structures d'envoi de volontaires en Irak. Dernier exemple en date : l'interpellation de deux islamistes, lundi à Mayence (Allemagne). Le premier, de nationalité irakienne et ancien djihadiste d'Afghanistan, aurait recruté le second, un Palestinien d'origine libyenne, pour commettre des attentats suicides en Irak. Les islamistes auraient tenté de recruter des kamikazes en Belgique, en Espagne et en Scandinavie.


Dès 2002, les justices française et italienne avaient d'ailleurs recueilli des éléments sur le départ vers l'Irak de terroristes tunisiens installés en Italie et signalés sur la Côte d'Azur. Interpellé à Marseille en octobre 2002 et mis en examen dans le cadre de l'enquête française sur le groupe de Francfort (accusé d'avoir préparé un attentat contre le marché de Noël de Strasbourg), le Tunisien Lahzar Ben Mohammed Tlili avait déclaré aux juges que deux islamistes avaient quitté Marseille en septembre 2002 pour l'Irak via la Syrie.


Selon la police italienne, l'un d'entre eux, Rihani Lofti, serait mort aux côtés de deux autres Tunisiens dans un attentat suicide perpétré en septembre 2003 contre les troupes américaines. Moins d'un an plus tard, les islamistes français du XIXe arrondissement avaient quitté la France pour prendre la relève.

GBY.
Saint-Louis.